Il y a 10 ans déjà que 3 réacteurs nucléaires sont entrés en fusion à Fukushima.
C’était le 11 mars 2011. Ce jour-là un séisme de magnitude 9,1 à l’échelle de Richter provoquait un tsunami qui dévastait la côte Est du Japon.
Le séisme et le tsunami frappaient la centrale nucléaire de Fukushima entrainant la fusion du cœur de trois réacteurs, la rupture des enceintes de confinement et la destruction de deux bâtiments réacteurs1.
340.000 personnes ont été déplacées ou évacuées volontairement et 1800 km de terrains ont été contaminés.
10 ans après, contrairement au message que tente de faire passer le gouvernement japonais, la catastrophe est toujours en cours.
- L’exposition aux rejets d’iode 131 dans le Nord-Est du Japon continue de provoquer l’apparition de cancers de la thyroïde chez les enfants. En mars 2020, on comptait 246 cas de cancer de la thyroïde mais la proportion de personnes examinées ne cesse de baisser. Il faut s’attendre à ce que ce bilan continue de s’alourdir dans les prochaines années.
- Il en est de même pour les effets génétiques. Bien que le message officiel dit constater qu’il n’y a pour l’instant pas de hausse des malformations chez les nouveau-nés, l’expérience de Tchernobyl incite à penser à l’apparition de désordres génétiques parmi les descendants des personnes irradiées.
- La contamination radioactive des forêts et des eaux dans les régions proches de Fukushima reste une préoccupation importante. Dans la forêt de Namie, à une vingtaine de km au Nord-Ouest de Fukushima, dans la Zone dite de « retour difficile », la radioactivité mesurée en août 2020 y était plus de 50 fois supérieure aux niveaux relevés dans le centre-ville de Fukushima. Les rivières reçoivent en continu un apport de césium accumulé dans les forêts ; cet apport ne diminue que lentement si bien que la contamination des poissons d’eau douce reste importante.
- Les énormes quantités d’eau qui ont été utilisées pour refroidir le combustible fondu des réacteurs endommagés sont actuellement stockées dans d’immenses réservoirs (plus de 1000 pour 1.23 millions de tonnes d’eau radioactive) ; selon TEPCO, ces réservoirs devraient arriver à saturation d’ici la mi-2022.
L’impasse est totale. TEPCO et le gouvernement japonais ont annoncé en automne dernier la « solution » qu’ils envisagent : déverser progressivement ces vastes quantités d’eau radioactive dans l’Océan Pacifique. Cette « solution » a fait bondir les associations japonaises de protection des écosystèmes et les professionnels de la pêche.
A la veille des jeux olympiques, il eut été malvenu de s’enferrer dans un conflit écologique de portée internationale. Le gouvernement japonais a donc postposé sa décision. Après les jeux olympiques ?
Des jeux olympiques pour faire oublier Fukushima
La tenue des jeux olympiques à Tokyo en 2020, a été conçue dès l’origine comme une grande opération de diversion pour faire oublier Fukushima, aussi bien par l’opinion publique internationale que par la population japonaise.
Le report en 2021 ne change rien à l’affaire.
Il est du devoir des Etats démocratiques de ne pas cautionner plus longtemps cette manœuvre. Il est trop tard pour réclamer un transfert de ces jeux vers un autre pays. Mais il est encore temps d’attirer l’attention de notre gouvernement, des différentes délégations nationales et des sportifs sélectionnés pour les Jeux sur la nécessité d’éviter de prêter la main à toute opération visant à camoufler la réalité d’une contamination radioactive qui restera importante pendant des décennies. De même, il serait inconvenant d’accepter le parrainage ou les initiatives de « lavage vert » de la firme TEPCO et du gouvernement japonais. Aussi bien TEPCO que le gouvernement japonais sont impliqués dans une trentaine de procès civils intentés par des victimes de la catastrophe.
Ils sont aussi visés par une procédure au pénal intentée par un groupe de 14 000 victimes de la catastrophe nucléaire visant à déterminer la responsabilité de TEPCO et du gouvernement de l’époque.
Il faut se rendre à l’évidence. La gestion correcte des conséquences de la catastrophe nécessitera un siècle au moins.
Citons pour conclure Mr Naoto Kan, premier ministre du Japon en poste en mars 2011 : « Avant l’accident, j’étais convaincu qu’un Three Miles ou un Tchernobyl ne se produirait jamais au Japon dont les ingénieurs étaient de haut niveau mais je me trompais complètement. Après l’accident, j’ai changé du tout au tout et, ayant compris qu’il était extrêmement risqué d’avoir des centrales nucléaires dans un pays comme le Japon, archipel où le nombre de séismes et de tsunami est le plus élevé du monde, j’ai pensé qu’il fallait démanteler tous les réacteurs.
Je suis convaincu que, même sans l’énergie nucléaire, non seulement le Japon mais aussi le monde entier peuvent trouver dans les énergies renouvelables telles que l’éolien ou le solaire assez d’énergie pour les besoins de l’humanité ».
Pour le Grappe asbl,
Pierre Stein, président
Paul Lannoye, membre du bureau.
- 10 ans plus tôt, TEPCO, l’entreprise exploitante de la centrale excluait dans une note du 21/02/2001 qu’un tsunami puisse endommager la centrale [↩]