LIBERTÉ VACCINALE ET DROIT À L’INFORMATION

Liberté vaccinale et droit à l’information

Si rien ne devrait empêcher quelqu’un qui le souhaite de se faire vacciner, rien ne devrait empêcher un individu de prendre librement, sans pression présentée comme morale, et quel que soit son niveau d’expertise scientifique, une décision qui concerne son corps et sa santé qui sont sa première responsabilité individuelle. Quelle que soit la conception philosophique libérale (et non totalitaire) du corps à laquelle on souscrit, tout traitement de mon corps individuel devrait faire l’objet de mon consentement libre et éclairé : en vertu de la dignité humaine, principe sur lequel reposent les droits humains fondamentaux, ni le pouvoir, ni la collectivité n’ont le droit de considérer mon corps comme un moyen pour leur fin.

Bien sûr, cette façon de voir n’est pas celle qui prévaut chez nous (et encore moins dans d’autres pays développés). Sur base du principe d’autonomie individuelle, la liberté de ne pas se faire vacciner est certes défendable du point de vue éthique lorsque la personne qui décide de ne pas se faire vacciner en supportera seule les conséquences (ex. vaccin contre le tétanos), note le Conseil national de bioéthique : cette liberté a d’ailleurs reçu un ancrage légal au travers de la loi relative aux droits du patient. Mais lorsque la finalité de la vaccination concerne la protection d’autrui, les justifications politiques de l’obligation vaccinale s’appuient sur des considérations présentées comme éthiques. Bien que seule la vaccination contre la polio soit obligatoire en Belgique, la jurisprudence comporte déjà tous les arguments qui permettraient de rendre d’autres vaccins obligatoires, même si ces vaccins occasionnaient (dans des cas rares) des effets secondaires graves. Bien sûr, l’analyse devrait tenir compte de l’évaluation du risque lié à la vaccination au regard du risque inhérent au développement de la maladie elle-même, et de la gravité du danger de la maladie pour la population. Par ailleurs, ces mesures devraient être prévues par une loi et ne pourraient être laissées à un pouvoir d’exécution. Elles devraient être réexaminées périodiquement selon les données épidémiologiques et les données de la science afin de répondre correctement à la protection de la santé publique. Enfin, l’autorité publique devrait veiller à ce que la vaccination soit exempte de toute influence commerciale.

Le Conseil national d’éthique reconnaît qu’il est plus difficile de statuer sur les cas de maladies pour lesquelles « la vaccination devrait idéalement couvrir tous les individus pour atteindre une immunité à l’échelle de la population, mais qui ne constituent pas une menace significative pour une partie des personnes vaccinées qui n’ont dès lors pas d’avantage substantiel à se faire vacciner » (ex. de la vaccination des garçons contre la rubéole ou l’infection à papillomavirus (HPV) et celle des filles contre les oreillons). Mais il conclut qu’un rapport du Conseil de Nuffield établit que, « d’un point de vue éthique, il est justifié d’encourager les individus à prendre part à des programmes de vaccination lorsque l’avantage personnel qui y est lié est minime ou inexistant, mais qu’ils représentent un avantage significatif pour les autres » car « si tout le monde se basait sur son propre intérêt, la prévention n’aurait que peu, voire pas, de chance de réussite ». Il faut bien être conscient que cet argument permettrait de justifier un grand nombre de vaccins ! Or quel est ce Conseil de Nuffield auquel le conseil national de bioéthique laisse le dernier mot et abandonne finalement le soin de déterminer ce qui sera ou pas considéré comme « éthique » pour la population belge ? Le Conseil de Nuffield, fondé en 1991 au Royaume-Uni, est une fondation qui examine et explore les problèmes éthiques soulevés par les progrès récents dans la recherche biologique et médicale. Il est financé par la Fondation Nuffield, le Conseil de recherches médicales et le Wellcome Trust. Ce dernier est une association de recherche basée à Londres, créée en 1936 avec l’héritage du magnat pharmaceutique Henry Wellcome pour financer la recherche visant à améliorer la santé humaine et animale. Le Wellcome Trust est l’une des plus riches fondations caritatives au monde, l’un des plus grands fournisseurs au monde de financements pour la recherche biomédicale qui « soutient la compréhension publique de la science » (entendons l’acceptation sociale des progrès scientifiques). Il soutient le développement de nouveaux vaccins et l’utilisation plus large des vaccins existants là où (dans les pays en développement) « les politiques pourraient ne pas être en mesure de décider quels vaccins sont le plus utiles ou manquer d’expertise pour organiser leur déploiement ». Il finance également le développement de vaccins contre le covid-19 à travers le CEPI, fondé en 2017. Pour rappel, ce dispositif CEPI finance des projets de recherches indépendants pour mettre au point des vaccins contre les épidémies dues à des agents infectieux émergents, dont le coronavirus. En d’autres termes, le Nuffield Council, qui en dernière instance dicte au Conseil national d’éthique belge en quoi consiste l’éthique, est financé par le Wellcome Trust qui lui-même finance la recherche sur les vaccins et le dispositif CEPI (également financé par la fondation Bill et Melinda Gates).

Rien ne devrait obliger la population à accepter sans débat l’idée que la vaccination est justifiée par l’argument de l’altruisme, du civisme, de la responsabilité ou de la solidarité. Cette idée peut bien sûr être partagée par qui le souhaite, mais cela ne doit pas cacher le fait que la vaccination comporte des enjeux économiques tels que certains de ses promoteurs exercent depuis des décennies une influence culturelle jusqu’à façonner notre conception de l’éthique. Or en vertu de quel principe éthique peut-on justifier que l’Etat contraigne un individu (et dans de nombreux cas des générations de bébés qui sont ce que nous avons de plus précieux) à endosser un risque vital pour en protéger un ou plusieurs autres ? Car il s’agit ici de risque vital, et d’autant plus dans le cas de vaccins OGM ou à ARN pour lesquels on ne peut exclure, en plus des risques médicaux classiques, des effets génétiques, transmissibles à la descendance, et des risques environnementaux. Etablir un parallèle entre cet argument et l’argument libertarien de ceux qui ne veulent pas payer l’impôt nécessaire pour mettre en place des services publics et une sécurité sociale n’est pas pertinent car dans le cas de l’impôt, il s’agit de donner de l’argent ; dans le cas de la vaccination, il s’agit d’une atteinte (potentiellement risquée) à l’intégrité physique individuelle. Les bébés à naître sont-ils désormais destinés à être accueillis dans une société qui dispose de leur corps dès leur naissance dans l’intérêt (décrété) du collectif ?

Bien sûr, ce débat éthique se poserait moins si les vaccins ne posaient aucun risque. Mais 1) le risque zéro n’existe sans doute pas 2) le risque pose la question du contrôle exercé par la société sur ces vaccins pour en garantir la sécurité, un contrôle insuffisant puisqu’il est basé sur les informations que consentent à donner les producteurs de vaccins.

Pour pouvoir exprimer un consentement réellement éclairé, le citoyen est en droit d’attendre des pouvoirs publics qu’ils lui donnent et lui permettent l’accès à une information transparente, complète, honnête, critique et contradictoire puisqu’il est question ici de médecine, c’est à dire non pas d’une science exacte, mais d’un savoir en construction, en plus d’être une discipline liée à des enjeux économiques et politiques. Plus largement, c’est par une réflexion et une information libres, sérieuses, honnêtes et plurielles, et non par la censure et la propagande, que passent la lutte contre la désinformation, la construction de l’esprit critique des populations et le rétablissement d’une plus grande confiance des citoyens envers le politique et la science.

Valérie Tilman
Philosophe et enseignante