Argumentaire en réplique à l’IBPT portant sur la santé à introduire à l’appui du recours en annulation des décisions du 15-7-2020 permettant le déploiement de la 5G.
A la base de la décision de l’IBPT, il y a le postulat de l’innocuité de l’exposition aux rayonnements électromagnétiques de haute fréquence dès lors que sont respectées les recommandations émises par la commission internationale pour la protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP), commission présentée comme indépendante et à la pointe de la connaissance scientifique en la matière.
Cette commission propose depuis 30 ans des valeurs limites à ne pas dépasser, valeurs avalisées par l’OMS et reprises par l’Union européenne et ses Etats membres depuis 1999. Or, l’ICNIRP, pour établir ses valeurs limites et ses recommandations, ne prend en considération que les effets thermiques des rayonnements, considérant que les effets biologiques qui apparaissent à des niveaux d’exposition bien inférieurs ne sont pas scientifiquement probants et sont incapables d’altérer la santé humaine.
Ce paradigme adopté par l’ICNIRP convient parfaitement à l’industrie des télécommunications qui dispose ainsi d’une marge de manœuvre maximale pour déployer quasiment sans contrainte ses projets d’infrastructure pour une interconnexion généralisée.
En fait, l’obstination de l’ICNIRP à se cramponner à ce paradigme « thermique » est logique si on prend la peine de se pencher sur l’historique de sa fondation et sur sa composition. L’ICNIRP est une commission d’experts, composée depuis sa naissance en 1992 essentiellement d’ingénieurs et de scientifiques acquis à l’idéologie technologiste, laquelle voit le développement des technologies de télécommunication comme souhaitable et indiscutable.
Encadrer ce développement et limiter ses nuisances est leur objectif pour autant que cela n’aille pas jusqu’à l’entraver ou à entrainer d’insupportables surcoûts.
L’ICNIRP est un comité d’experts parmi d’autres ; il n’est pas indépendant mais lié à l’industrie. En aucun cas il n’est une autorité incontestable et son influence auprès de l’OMS tient essentiellement au fait que de nombreux experts sont à la fois membres de l’ICNIRP et du groupe spécialisé de l’OMS1.
Les recommandations de l’ICNIRP ignorent volontairement les très nombreux travaux scientifiques publiés depuis des décennies concluant à la survenue d’effets biologiques significatifs à des niveaux d’exposition aux rayonnements de radiofréquences de mille à cent mille fois inférieurs aux valeurs limites censées nous protéger.
En cas d’exposition régulière ou, pire encore, permanente, ces effets biologiques peuvent provoquer des dommages graves à la santé. Ces dommages affectent particulièrement les organismes en développement comme les enfants et, plus encore, les embryons, lesquels sont plus vulnérables.
Les dommages à la santé bien identifiés sont :
- Les lésions de l’ADN cellulaire ;
- Le stress cellulaire ;
- L’altération de l’expression des gènes ;
- L’infertilité et l’altération de la qualité du sperme ;
- Les troubles permanents du sommeil ;
- Les désordres cardiaques, incluant la tachycardie, l’arythmie et l’arrêt cardiaque ;
- Les troubles neurologiques, en ce compris la dépression et l’autisme ;
- Le cancer
Les processus essentiels de l’organisme humain sont altérés par le stress permanent provoqué par une exposition chronique aux rayonnements électromagnétiques avec pour conséquence des troubles des fonctions métaboliques, immunitaires et reproductives.
L’abondante littérature scientifique révélant ces graves problèmes de santé a fait l’objet d’une méta-analyse exhaustive dès 2007 par un groupe de scientifiques, spécialistes parmi les plus respectés en matière de bioélectromagnétisme2. Cette méta-analyse a été actualisée par ce groupe en 2012 et régulièrement mise à jour3. Plusieurs milliers de publications se sont ajoutées à charge des rayonnements de hautes fréquences ; il est confirmé que le caractère pulsé des rayonnements de la téléphonie mobile est un facteur aggravant des nuisances provoquées sur le vivant.
Le mécanisme biologique expliquant ces problèmes de santé a été proposé par Martin Pall dès 20134 et cautionné par la communauté scientifique au fil du temps.
Le rapport du Conseil Supérieur de la Santé de Belgique de 2019 reprend à son compte cette explication lorsqu’il dit que « les rayonnements non ionisants de micro-ondes pulsées agissent via activation des canaux calciques dépendants du voltage, induisant des impacts biologiques à des niveaux non thermiques »5.
En d’autres termes, on peut dire que les champs électromagnétiques entrainent un afflux de calcium au sein des cellules touchées ; cet afflux provoque une grande quantité de réactions : le calcium a en effet une action cytoxique directe sur les mitochondries ; en outre, des radicaux libres se forment et un stress oxydant s’installe. Comme ces réactions peuvent avoir lieu dans les cellules de tous les systèmes physiologiques, on comprend la diversité des troubles de santé provoqués.
Dans l’état actuel de déploiement des technologies sans fil, il est d’ores et déjà avéré au vu des études épidémiologiques réalisées au cours de cette dernière décennie que bon nombre de personnes, dans les pays industrialisés, sont soumises à une irradiation par ondes électromagnétiques pulsées à des niveaux préjudiciables à leur santé.
Il s’imposerait logiquement de remettre en question le paradigme « thermique » qui sert de base scientifique aux règlementations en vigueur et de passer au paradigme « biologique ». Cela aurait pour conséquence de remettre en question l’utilisation inconsidérée de certaines techniques (DECT, Babyphone, …) et de réduire fortement le recours au sans-fil dès lors que la communication filaire est possible pour fournir le même service.
Ainsi, la généralisation du Wi-Fi dans les établissements scolaires et les institutions publiques est-elle à remettre en cause, en particulier lorsque le public concerné est essentiellement composé d’enfants et d’adolescents.
En 2018, le professeur Martin Pall publiait une méta-analyse des études consacrées aux risques générés par le Wi-Fi6. Elle lui permettait de conclure que le Wi-Fi cause : stress oxydant, dommages aux testicules et au sperme, troubles neuropsychiatriques, apoptose (mort cellulaire), dommages à l’ADN, surcharge de calcium et perturbations endocriniennes.
Signalons à ce propos la recommandation récente du Ministère de la Santé russe à destination des écoles demandant l’interdiction du Wi-Fi et des téléphones cellulaires dans les écoles élémentaires.
A l’initiative de cette recommandation, on trouve le professeur Oleg Grigoriev, président de la Commission Nationale Russe pour la protection contre les rayonnements non ionisants, un des scientifiques parmi les plus critiques à l’égard de l’ICNIRP et auteur de très nombreuses publications, dans la lignée des travaux de recherche effectués depuis les années 1970 dans l’ancienne URSS.
Ceux-ci avaient déjà montré que les rayonnements de micro-ondes pouvaient s’avérer dommageables à la santé à des niveaux mille fois plus faibles que le seuil d’apparition des effets thermiques.
Remarquons qu’un des Etats membres de l’Union européenne a agi dans le même sens. Il s’agit de Chypre qui a interdit en 2017 le Wi-Fi dans les jardins d’enfants et mis fin à son déploiement dans les écoles élémentaires.
En clair, l’objectif devrait être en toute logique, de réduire l’exposition aux rayonnements électromagnétiques non ionisants et certainement pas de l’accroître. C’est ce qu’exige l’application réaliste du principe de précaution.
Avec la 5G, on programme une croissance sans précédent de la pollution électromagnétique.
Le plan d’action pour la 5G en Europe proposé en 2016 par la Commission européenne7 présente le recours à cette technologie comme une opportunité économique sans précédent qui assurera une interconnexion omniprésente des humains ainsi que des objets de leur quotidien.
Le partenariat public-privé qui lie la Commission européenne et l’industrie des télécommunications8 annonce que la 5G accroîtra d’un facteur 1000 la capacité du réseau de télécommunications sans fil, connectera 7000 milliards d’objets au service de 7 milliards d’humains avec un délai de connexion pratiquement nul.
Pour cela, il va falloir multiplier par cinq le nombre de stations de base (antennes ou groupes d’antennes) et implanter partout, c’est-à-dire environ tous les cent mètres en milieu urbain, des mini-antennes à balayage électronique, capables de cibler les smartphones et autres objets connectés.
La croissance énorme du trafic de données que cela signifie s’accompagnera inévitablement d’une augmentation importante du niveau d’exposition. C’est la raison pour laquelle, la Commission propose d’adopter partout les valeurs limites recommandées par l’ICNIRP, sachant que certaines villes ou régions européennes ont fait un choix un peu moins laxiste. C’est le cas de Bruxelles où les opérateurs mettent la pression pour relever les valeurs-limites actuelles (elles seraient multipliées par 50, passant de 0,095W/m² à 4,5 W/m²).
En résumé, il est proposé de foncer de plus en plus vite dans un brouillard électromagnétique qui ne peut que s’épaissir ! Et on est prié de croire sur parole ceux qui affirment qu’il se dissipera, sachant qu’on ne dispose évidemment d’aucune donnée concrète à ce jour.
De nouvelles fréquences d’utilisation dont on ne sait pas grand-chose.
Les gammes de fréquences spécifiques à la 5G qui devraient être attribuées aux opérateurs sont 700 MHz, une bande allant de 3600 à 3800 MHz et, dans un second temps une bande allant de 26 à 28 GHz, soit à la frontière des ondes millimétriques. Plus tard, il est prévu d’étendre le spectre d’utilisation aux ondes millimétriques (plusieurs dizaines de GHz).
La décision de l’IBPT intervenue ce 15 juillet 2020 porte sur la gamme 3600 – 3800 MHz.
Cette bande de fréquences n’a, à ce jour, fait l’objet que de très rares études, comme l’admet d’ailleurs l’ANSES, organisme public français en charge de cette problématique, dans un rapport préliminaire9.
Comme la fréquence est un paramètre important dans la quantification et la qualification des effets biologiques d’un rayonnement électromagnétique, il est imprudent et scientifiquement contestable de considérer a priori qu’on en sait assez pour accepter leur utilisation sans évaluation spécifique préalable.
L’inconnue des ondes millimétriques.
Avec la gamme 26-28 GHz, on est à la limite des ondes millimétriques pour lesquelles la littérature scientifique ne mentionne que très peu d’études relatives à leurs effets biologiques. Le fait que les ondes ne franchissent que très peu les obstacles solides autorise les partisans de leur utilisation à négliger leur capacité de nuisance pour l’organisme humain. Conclure à leur innocuité est scientifiquement infondé et irresponsable.
Les études publiées par les scientifiques ukrainiens et russes dès les années 1960 et consacrés aux effets biologiques des ondes sub-milimétriques et millimétriques publiés en russe ont été ignorés par la communauté scientifique occidentale. Après la chute de l’URSS, ces travaux traduits en anglais, sont connus mais continuent d’être ignorés, alors qu’ils constituent une somme de connaissances d’un grand intérêt10
Ils invalident en tout cas le postulat de l’innocuité de ces rayonnements pour l’organisme humain.
Par ailleurs, des publications récentes apportent de nouvelles données qui alourdissent le dossier à charge des ondes millimétriques :
- Apparition de pics de température dans la peau des personnes exposées du fait des salves de quelques millisecondes transmises par les dispositifs sans fil11.
- Les glandes sudoripares des couches supérieures de la peau jouent un rôle d’antenne, ce qui augmente significativement l’absorption spécifique des ondes millimétriques12.
De nombreux scientifiques alertent en vain les gouvernements et les institutions internationales.
En septembre 2017, plus de 170 scientifiques et médecins de 37 pays ont exprimé leurs préoccupations sérieuses à propos de l’accroissement permanent et universel de l’exposition aux champs électromagnétiques par les technologies du sans-fil et demandé à l’Union européenne de suspendre tout déploiement de la 5G jusqu’à ce qu’il soit prouvé que cette technologie ne présente aucun danger pour la population européenne, particulièrement les nourrissons, les enfants, les femmes enceintes ainsi que pour l’environnement (5gappeal.eu) : « il a été prouvé que les champs électromagnétiques des radiofréquences sont nocifs pour l’homme et l’environnement ».
En avril 2018, l’International Society of Doctors for Environment (ISDE) a appelé à un même moratoire, en application du principe de précaution. (isde.org)
Dans un appel international lancé en 2018, des médecins, scientifiques et organisations environnementales demandent en urgence l’arrêt du déploiement du réseau 5G terrestre et spatial (www.5gspaceappeal.org). L’appel est adressé à l’ONU, à l’OMS, à l’UE, au Conseil de l’Europe et aux gouvernements de tous les pays.
À ce jour, ces appels sont classés sans suite par toutes les institutions interpellées.
Pierre Stein
Président du Grappe ASBL
- Klaus Buchner et Michèle Rivasi, rapport « la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP) : conflits d’intérêts, 5G et capture réglementaire » publié sur le site https://www.michele-rivasi.eu/a-la-une/icnirp-conflits-dinterets-5g-et-capture-reglementaire [↩]
- Rapport Bioinitiative 2007 : a rationale for Biologically-based Exposure Standards for Low Intensity Electromagnetic Radiation ; Groupe Bioinitiative, 2007 [↩]
- Le rapport complet est lisible sur le site bioinitiative.org. La traduction française du résumé pour le public se trouve sur le site www.stop5g.be [↩]
- Martin Pall : Electromagnetic fields act via activation of voltage-gated calcium channels to produce beneficial or adverse effects ; J.Cell Mol Med 2013 Aug : 17(8) :958-65 [↩]
- Conseil Supérieur de la Santé de Belgique, Hygiène de l’environnement physico-chimique, mai 2019 ; CSS n° 9404 [↩]
- Martin Pall : Wi-Fi is an important threat to human health ; Environmental Research 164 (2018) [↩]
- Communication de la commission au parlement européen, au conseil, au comité économique et social européen et au comité des régions. Un plan d’action pour la 5G en Europe (SWD (2016) 306 final) ; Commission européenne [↩]
- Joint initiative between the European commission and european ICT industry ( 5G PPP) [↩]
- ANSES, Exposition de la population aux champs électromagnétiques liée au déploiement de la technologie de communication « 5G » et effets sanitaires associés, Rapport préliminaire, octobre 2019 [↩]
- W.Kositsky, A.Nizhelska et G.Ponezka : Influence of high-frequency Electromagnetic Radiation at non thermal intensivities on the human body (a review of work by russian and Ukrainien researchers) ; No-Place To Hide Newsletter of the Cellular Phone ; Taskforce Inc, vol 3, N°1, supplément [↩]
- Neufeld and Kuster, Systematic Derivation of Safety Limits for Time-Varying 5G Radiofrequency. Health Physics, 2018 [↩]
- Betzalal et al., The human skin as a sub-THz receiver-Does 5G pose a danger to it or not ? Environmental Research, 2018 [↩]