Le GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) vient de rendre public la première partie de son sixième rapport.
Si le GIEC anticipe sur la date de la parution complète de son rapport, c’est qu’il veut, non semer la panique, mais tirer de manière pressante la sonnette d’alarme et signifier, entre autres, aux politiques, que l’heure n’est plus ni aux tergiversations, ni aux demi-mesures.
Les faits valent plus que de longs discours.
Tous les indicateurs évoluent à des rythmes jamais vus et les constatations sont identiques dans toutes les régions du monde.
- Les gaz à effet de serre (qui piègent la chaleur de la terre à sa surface) ont encore augmenté ; l’humanité continue de rejeter 40 milliards de tonnes de CO² par an. A ces rejets, s ‘ajoutent ceux du gaz méthane certes moins persistant dans l’atmosphère que le CO² mais qui a « un pouvoir de réchauffement qui lui est de vingt-huit fois supérieur ». Ces émissions de méthane proviennent pour 40% de l’agriculture (notamment par l’élevage intensif de bovins), pour 35% des énergies fossiles (gaz de schiste, extraction du pétrole…) et de 20% des déchets.
Avec comme résultat une hausse exponentielle et alarmante de dioxyde de carbone dans l’atmosphère ; le monde est déjà 1,1°C plus chaud qu’en 1900. Dès lors contenir le réchauffement à 1,5°C est hors de portée ! (C’était pourtant l’objectif fixé par les accords de Paris !)
- Les seuils critiques pour les écosystèmes et l’homme devraient être dépassés avec un réchauffement de 2°C (ou plus).
- Plus de 1,5°C d’élévation de la température provoquerait 255.000 décès prématurés et 26 millions de tonnes de perte de récoltes dans le monde.
- La montée du niveau de la mer est plus rapide depuis 100 ans qu’à n’importe quel moment au cours des 3000 dernières années.
- Les phénomènes météorologiques extrêmes dans un monde à +2°C deviendront annuels, alors qu’il y en avait tous les cent ans avant le « boom » industriel.
Cette dernière année résonne d’ailleurs comme un très sérieux avertissement ; tornades à répétition (heureusement sans victime mais avec des dégâts matériels considérables), inondations catastrophiques et glissements de terrain avec des dizaines de morts et disparus et des zones habitées entièrement dévastées, dômes de chaleur, incendies hors de contrôle (un peu partout dans le monde), sécheresses à répétition qui commencent à impacter sérieusement l ‘agriculture, chute sans précédent de la biodiversité (en 30 ans quelques 80% d’insectes en moins ce qui affecte toute la chaîne alimentaire…) libération de nombreux virus jusque-là piégés dans les sols gelés de la planète …
Que faut-il de plus pour que l’on prenne enfin des mesures immédiates et radicales car il est désormais incontestable (n’en déplaise à certains) que c’est l’homme et ses activités les responsables de la situation actuelle.
Que faire (ou ne pas faire ?) avant qu’il ne soit « définitivement » trop tard ?
La crise sanitaire liée au Covid 19 nous a pourtant montré l’extrême fragilité et vulnérabilité de systèmes économiques qui ont poussé la division du travail à l’échelon mondial, en fonction des profits que certains pouvaient en retirer ; ainsi délocaliser les activités là où le coût de la main-d’œuvre est au plus bas et où les exigences environnementales sont négligeables voire inexistantes.
Les artisans qui maîtrisent leur production du début à la fin font aujourd’hui figures d’exception.
Hélas force est de constater que nous continuons à faire exactement l’inverse de ce qu’il faudrait faire. Nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire que ses leçons sont déjà oubliées même si quelques aménagements de surface visent à rassurer le citoyen (consommateur).
La PAC (politique agricole commune de l’Europe) continue à financer massivement l’agriculture intensive et l’agro-industrie au détriment de petites exploitations, de proximité, à échelle humaine qui ont des pratiques plus respectueuses de l’environnement et de la santé humaine (que ce soit en agroforesterie, en culture biologique ou simplement paysanne…)
Les tentatives de relocalisation de l’économie et de sa réorientation vers des productions durables -et réparables- sont encore trop rares.
La part des budgets européens accordée aux énergies renouvelables est toujours sans commune mesure avec celle consacrée, entre autres, au nucléaire …
On continue à déforester en réduisant comme peau de chagrin les habitats des espèces sauvages, ce qui les obligent à côtoyer les hommes et amènent la propagation de zoonoses (voir à ce sujet l’excellent ouvrage de Marie-Monique Robin : Une épidémie de pandémies)
Chez nous, on continue aussi d’arracher arbres et haies alors qu’il faudrait « revégétaliser » partout où c’est possible. Les fossés le long de routes ont disparu ou manquent d’entretien… Et ne résorbent donc plus une partie des eaux pluviales.
Le bétonnage des sols continue alors que c’est aujourd’hui qu’il faudrait le stopper… (et non à l’horizon 2050 comme le propose la région wallonne).
On continue à promotionner les voyages par avion (kérozène détaxé) même sur des distances où le train serait performant…
La « digitalisation » et « l’interconnexion » de tout et tous ne sert que les fabricants de robots et d’algorithmes qui penseront à notre place. Pourtant là aussi la crise sanitaire a largement montré les limites « psychologiques » pour les jeunes de l’enseignement via internet (en distantiel !)
Sait-on que les installations nécessaires au fonctionnement des « Gafa-m » émettent autant de CO² que toute l’aviation civile et sont parmi les plus gros consommateurs d’énergie (non renouvelable) au monde ?
Et cette liste est loin d’être exhaustive !
Autre signe de notre faible mobilisation planétaire pour préserver l’avenir ; le 29 juillet, l’humanité a dépensé pour l’année 2021 l’ensemble des ressources que la Terre peut régénérer en un an (WWF).
Les experts du GIEC déclarent : « Les niveaux actuels d’adaptation seront insuffisants pour répondre aux futurs risques climatiques. La vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes(…) L’humanité ne le peut pas »
Sans vouloir jouer à l’oiseau de mauvaise augure – ou d’empêcheuse de progresser en rond – je pense qu’il est plus que temps de nous interroger sur l’utilité de ce que l’on nous propose comme « technologies » d’avenir, mais aussi de nous demander s’il n’est pas temps de nous remettre à penser par nous-mêmes et d’évaluer nos véritables besoins.
Peut-on, raisonnablement continuer à croire, comme certains économistes, en une croissance infinie dans un monde aux ressources finies ?
Certes, les choix qui s’annoncent seront difficiles si toutefois l’on veut contenir le réchauffement climatique et limiter l’effondrement de la biodiversité.
Il va falloir opter pour la modération et la sobriété et faire preuve d’imagination et de volonté.
Mais je crois que c’est à ce prix que nous assurerons un avenir viable à nos enfants et petits-enfants. Il me semble aussi que ce seul argument suffit pour que nous exigions de nous-mêmes et de ceux qui nous gouvernent un changement radical de notre économie et de nos modes de vie.
Martine Dardenne