L’obsession du covid-19 est l’occasion de faire passer diverses politiques qui, en temps normal, susciteraient bien plus de réactions. L’une des réalités concernées : les pesticides.
Mépris de la démocratie
En 2020, Bayer-Monsanto, BASF et Syngenta ont redoublé d’efforts pour influencer les législations ; et notamment pour pouvoir continuer à produire et exporter, en-dehors de l’Europe, des substances interdites dans cet espace. Une des preuves de ce lobbying : un document envoyé par Bayer à la Commission européenne, et visant à obtenir le maintien des règles actuelles. 1 L’ONG ayant révélé ce document est Foodwatch, qui a également publié un article général sur cette instrumentalisation du covid au profit des pesticides.2 Cet article est intéressant, mais assez naïf ou consensuel quant au rôle de la Commission : on y lit en effet que « Toutes les tentatives de la Commission pour faire appliquer des règles plus strictes aux produits importés ont échoué jusqu’à présent à cause de la pression écrasante des lobbies ». D’abord, on ne voit pas en quoi cette instance serait forcée de céder à cette pression. Ensuite, au sujet de l’idée que la responsabilité serait peut-être à chercher du côté du Parlement européen, un événement récent (parmi bien d’autres) contredit cette hypothèse : l’autorisation par la Commission, au début de cet automne, d’un soja OGM de Monsanto, contre l’avis du Parlement.3 Or, la culture de cet OGM est habituellement liée à divers pesticides particulièrement toxiques, notamment le dicamba.4
Autorisation d’un soja OGM par la Commission, contre l’avis du parlement ; réintroduction des néonicotinoïdes ; poursuite de la production du chlorpyrifos, très toxique pour les cerveaux en développement ; etc.
Les enfants très concernés
Regardons d’un peu plus près quelques-uns des produits concernés, dont le dicamba justement. Selon une étude publiée en 2001 déjà, ce pesticide augmente significativement le risque de développer des cancers du système lymphatique, plus précisément des lymphomes non hodgkinien.5 Notons que, en France, selon l’Institut Curie, ce type de lymphome est le plus fréquent, chez les enfants de moins de 15 ans.6
Un autre pesticide qui intervient ici concerne davantage encore les enfants : le chlorpyrifos. Suivant deux études au moins, ce produit est très toxique pour les cerveaux en développement.7 Or, il s’agit d’un de ces produits interdits en Europe, mais qu’on s’arrange pour écouler dans les pays du sud. (Et qui, en outre, revient par les importations dans les assiettes européennes.)8
Plus généralement, rappelons que les études liant risques de cancers et exposition aux pesticides sont nombreuses, notamment en ce qui concerne les enfants.9
De plus, le dicamba et le chlorpyrifos ne sont que des exemples, divers autres produits très nocifs sont concernés par le lobbying actuel : anthraquinone, tricyclazole , ou encore les tristement célèbres nécotinoïdes, réintroduits tout récemment pour « sauver la culture de la betterave »10 ; comble de l’absurde et du cynisme, quand on connaît les ravages sanitaires du sucre et sa surproduction.
Tout cela malgré, entre autres désastres, la hausse du nombre de cancers chez les enfants 11 ; selon une étude publiée en 2019, ceux-ci s’élèvent à plusieurs centaines de milliers, dans le monde.12 Il est évident que les pesticides jouent à cet égard un rôle très important, mais ces politiques criminelles se poursuivent.
Daniel Zink
- https://www.foodwatch.org/fileadmin/-FR/Documents/Bayer_a_la_Commission_europeenne_-_16_mars_2020.pdf [↩]
- https://www.foodwatch.org/fr/communiques-de-presse/2020/covid-19-les-geants-des-pesticides-plus-actifs-que-jamais-pour-proteger-leur-business-toxique-denonce-foodwatch-en-europe/ [↩]
- https://www.lalibre.be/dernieres-depeches/belga/la-commission-autorise-la-mise-sur-le-marche-d-un-soja-ogm-de-monsanto-5f7202fdd8ad58621999d090 [↩]
- Ibid. [↩]
- https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/11700263/ [↩]
- https://curie.fr/dossier-pedagogique/cancers-de-lenfant-le-lymphome [↩]
- https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3390915/ ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28602489/ [↩]
- Voir note 1. [↩]
- Voir p. ex. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29402694/ ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16112323/ ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1394159/ ; https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/1568215/ ; … [↩]
- https://www.lavenir.net/cnt/dmf20201117_01529648/la-belgique-autorisera-les-neonicotinoides-une-annee-de-plus-pour-les-betteraves [↩]
- https://reporterre.net/Cancers-des-enfants-les-autorites-ferment-les-yeux [↩]
- 13https://www.thelancet.com/journals/lanonc/article/PIIS1470-2045(18)30909-4/fulltext [↩]