Ce qu’on oublie de nous dire …
Les réserves d’uranium sont loin d’être inépuisables.
Aujourd’hui, à situation égale, on les estime à peine à une centaine d’années.
Les principales réserves sont situées en Australie (31%), au Kazakhstan (12%), au Canada (9%), en Russie (9%), au Niger (8%) et pour respectivement chaque pays : 5% : Brésil, Afrique du Sud, Namibie….
Parler d’indépendance énergétique est une « manipulation » de langage
- Actuellement le premier producteur mondial d’uranium (naturel ou transformé en « combustible fissile ») est le Kazakhstan, la dernière des ex-républiques d’Asie à avoir quitté le giron de l’URSS et qui est restée très proche de la Russie (divers accords de protection, sécurité et coopération). Toutes les exportations (en ce compris celles vers l’UE) passent par le groupe (d’État) Kazatomprom lequel est associé au groupe chinois CGNPC (China Général Nuclear Power Corporation).
Il faut aussi savoir que pratiquement tous les transports d’uranium en provenance du Kazakhstan passent par la Russie et dépendent du bon vouloir de Rosatom (tout puissant groupe russe créé par Poutine et contrôlant le secteur nucléaire).
Pour de nombreuses raisons assez évidentes, les possibilités de « routes alternatives » restent très difficiles.
- à l’heure actuelle , on n’a toujours pas de solution pour la gestion des déchets nucléaires…
- la dangerosité des déchets ne tient pas tant à leur quantité mais bien plus à la toxicité des isotopes de haute activité et à longue durée de vie …
La demande en électricité va fortement augmenter !
Cette affirmation est loin d’être une fatalité :
- Il est urgent de s’interroger sur la nécessité inéluctable de la voiture électrique (à moins qu’elle ne justifie la « nécessité » d’augmenter la production via le nucléaire ? diraient de « mauvais esprits » !)
Ne serait-il pas plus intéressant de réduire les nombreuses obligations qui nous sont faites de devoir nous déplacer ? Et de remettre en place les services publics de proximité, les commerces de proximité, les banques de proximité etc…
Ne serait-il pas plus performant de développer sérieusement toutes les formules de transport en commun ?
Et s’il faut encore utiliser sa voiture, ne serait-il pas temps de transformer (dans différentes unités décentralisées) la fraction biodégradable des déchets ménagers (50% de la poubelle ordinaire) en biogaz de roulage ?
2. Il est tout aussi urgent de s’interroger sur la volonté du tout numérique qui est un très gros consommateur d’électricité (4% de la production mondiale actuelle) et de réfléchir à nos différentes « addictions » dans ce domaine…
Ne serait-il pas plus opportun de remettre en place des guichets avec présence de personnes physiques pour renseigner le citoyen dans différents domaines de la vie (santé, transition énergétique, etc….) ?
3. Enfin, il est temps aussi de « booster » un renouvelable décentralisé et maîtrisé par le citoyen. Tous les moyens, considérables, que nécessite « un nouveau nucléaire » sont autant de moyens qu’on ne pourra pas utiliser et pour une politique d’économie d’énergie (isolation/ transport en commun etc..) et pour un développement « cohérent » du renouvelable.
Ce 23 mars dernier était pour la Belgique le « jour du dépassement » !
Au vu des constats qui précèdent, on ne peut qu’affirmer se tromper radicalement de politique. Si les ambitions « déclarées » sont de réduire les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 à l’horizon 2030, il est aberrant de vouloir augmenter la production nucléaire : la construction d’une unité prenant au minimum 10 ans !
Les seules voies pertinentes pour « essayer » d’atteindre cet objectif -ou à tout le moins de s’en rapprocher le plus possible- sont :
- d’abord la mise en place d’une politique générale d’économie d’énergie, de non-consommation et de son financement plutôt que de consacrer des moyens considérables au développement d’une industrie nucléaire, dangereuse, génératrice de déchets (eux aussi dangereux) qu’on ne peut gérer.
- ensuite la mise en place d’une politique du renouvelable décentralisé, à échelle humaine et contrôlable par le citoyen plutôt que par les multinationales de l’énergie.
- enfin une réorientation de nos modes de vie vers la sobriété dans tous les domaines : déplacements, usage des objets connectés, généralisation du tout « digital » pour un retour vers l’humain.
Martine Dardenne
Sénatrice honoraire, membre fondateur et administratrice de Grappe asbl.