L’affaire des PFAS ni nouvelle, ni isolée

Mon propos n’est pas ici de prendre la défense de l’une ou l’autre personne. Mais on doit à la vérité de dire certaines choses.

L’affaire des « pfas [1]» vient d’agiter sérieusement le lanterneau politique wallon. Il faut rappeler que si ces divers polluants sont dits « éternels », c’est parce qu’ils existent de longue date et ont pu s’accumuler en quantité dans l’air que nous respirons, dans les sols qui nous nourrissent, dans l’eau que nous buvons…Ils ne sont malheureusement que la pointe émergée de l’iceberg chimique qui nous menace. En effet, depuis de nombreuses années, on met sur le marché, chaque année quelques 1000 nouvelles substances chimiques dont on n’a pour la plupart qu’une analyse toxicologique lacunaire. Pire, on continue d’ignorer les effets de synergie de ces différences substances entre elles : ainsi, deux molécules qui se rencontrent et s’associent peuvent donner une nouvelle substance plus toxique encore que les deux premières !

Et pourtant

– C’est déjà en1972 que Rachel Carlson publiait son livre « Le printemps silencieux » qui mettait en évidence les effets délétères des pesticides, herbicides et autres fongicides sur de nombreux oiseaux …

– Dans les années 80, Greenpeace a dénoncé à plusieurs reprises les effets désastreux pour les humains des substances « retardataires de flamme » que l’on retrouve dans pratiquement tous les textiles …

– Moi-même, j’ai en 1992 étudié la contamination, en Belgique, du lait maternel par différents composants chimiques pour la plupart qualifiés de neurotoxiques et rendu publique cette recherche …

– En 1996, paraissait « L’homme en voie de disparition ? » de Théo Colburn, Diane Dumanoski et John Peterson Myers. Dans ce livre, ils répertoriaient de nombreuses substances chimiques aux effets désastreux sur la faune, la biodiversité et les humains. Ils pointaient notamment la capacité de ces molécules à devenir des perturbateurs endocriniens …

– Des associations comme le PAN (Pesticides Actions Network) n’ont jamais cessé de dénoncer les dangers de ces molécules …

Alors qui ?

Mais, qui, dans le monde économique et politique, a tenu compte de ces avertissements et de ces mises en garde ?

Qui donc a délivré les autorisations de mises sur le marché de ces polluants ?

Qui donc a permis que l’on continue à fabriquer dans nos industries certaines de ces substances alors qu’elles étaient chez nous interdites d’usage, et cela pour pouvoir continuer à les exporter vers les pays tiers ?

Qui donc ne s’est jamais inquiété de normes trop laxistes voire inexistantes ?

Qui donc a « raboté » de tous les côtés la directive « Reach » pour la rendre la moins contraignante possible ?

Qui donc vient de prolonger l’autorisation d’usage de glyphosate pour 10 ans encore ?

Qui donc favorise avec la PAC une agriculture intensive, gourmande en chimie, au détriment de l’agro écologie et de l’agriculture biologique ?

Etc, etc….

Et cela depuis de nombreuses années !

Alors, oui, l’actuelle ministre de l’environnement hérite d’une situation calamiteuse qu’elle n’a certainement pas contribué à construire !
Et je m’étonne que certaines personnes, la bouche en cœur et les yeux ronds, découvrent tout d’un coup l’existence de ces polluants « éternels » et s’indignent d’un état des lieux dont leurs prédécesseurs, si ce n’est eux-mêmes, sont grandement responsables !
Décidément, certaines pratiques politiciennes ont des durées de vie aussi éternelles que celles des polluants chimiques !
Et je m’étonne encore davantage que personne si ce n’est la ministre elle-même n’ai eu le courage de déclarer que la seule vraie question aujourd’hui est de s’attaquer aux causes de ces pollutions.

Martine Dardenne,
sénatrice honoraire et membre fondateur de GRAPPE

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[1] Les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) sont un groupe de substances chimiques fabriquées par l’homme qui sont utilisées dans une grande variété d’applications en raison de leurs propriétés hydrofuges, anti-graisse et anti-salissures. Ces produits sont notamment présents dans les textiles, les produits ménagers, la lutte contre les incendies, l’automobile, l’agroalimentaire, la construction et l’électronique. L’exposition aux PFAS peut avoir des effets néfastes sur l’environnement et sur la santé humaine et animale.