Manifeste pour servir l’Ecologie politique

Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Écologique

Introduction :

L’Ecologie politique est le seul projet novateur et démocratique, à même de rencontrer les défis majeurs face auxquels se trouvent les sociétés occidentales et, au-delà, l’ensemble de l’économie mondiale. Même accommodée avec les restes de la social-démocratie, une société compétitive et productiviste, jusque dans des domaines réservés aux relations humaines, n’est pas en mesure d’offrir durablement une vie décente chez nous et ailleurs, et à fortiori un avenir à tous ceux qu’elle exclut et place en situation de dépendance.

Parce qu’elle implique une production et une répartition équilibrées et équitables, seule l’Ecologie politique ouvre une voie à une pensée et une action de transformation dignes de ce nom.

Pourtant, partout, l’Ecologie politique subit une tentative d’absorption de son projet et de ses valeurs par l’ensemble des partis « traditionnels » qui ne se privent pas de revendiquer un certain nombre de résultats plus verts que les Verts eux-mêmes !

Mais en imposant leur culture du gouvernement, en dénaturant et en vidant de leur substance les concepts fondateurs de l’Ecologie politique, les partis traditionnels empêchent tout changement structurel pour ne proposer qu’un lifting de façade.

Fondamentalement, ils ne font que reproduire « du même » sous d’autres formes. Les mesurettes qu’ils privilégient ne visent en réalité qu’à s’approprier une partie de l’électorat sensible au diagnostic établi par les vrais porteurs de l’Ecologie politique.

L’Ecologie politique survivra parce que l’histoire des vingt dernières années s’est accélérée pour confirmer la nécessité d’une force politique écologiste crédible et pour mettre en exergue les fausses solutions avancées en Europe et ailleurs : la relance de l’offre et le recul de la redistribution ne sont en effet pas à même de rencontrer les espérances légitimes des populations et encore moins les défis planétaires auxquels nous sommes confrontés. Et ce n’est pas la social-démocratie qui abandonne la redistribution et le libéralisme qui favorise les concentrations qui peuvent constituer une réponse politique satisfaisante. Nous ne devons donc pas nous mettre dans leur sillage.

Pourquoi ?

Au Nord comme au Sud, les problèmes constatés indiquent tous une dégradation grave du milieu et des conditions de vie mais également la montée de risques majeurs pour l’environnement humain, et donc pour les communautés les plus fragiles. Le problème n’est plus de l’ordre de la prise de conscience, il est dans la mise en place de nouvelles attitudes et de nouveaux engagements collectifs pour y faire face.

Les formations gouvernementales qui partagent le pouvoir dans notre pays veulent une bipolarisation définitive de la vie politique. Le moment est donc favorable pour envisager vraiment une action politique qui fait de l’Ecologie un axe de référence et de développement, distinct de l’axe gauche-droite, un point d’appui et de progrès sur lequel on peut s’engager pour concevoir et mettre en œuvre les facteurs et les conditions de réussite du changement.

Il nous semble indispensable de présenter un projet politique qui dépasse les intérêts immédiats ou catégoriels du système économique et de ses composantes même si au plan culturel, cela demande une mobilisation dans un contexte où tout pousse à la croyance au bonheur par la marchandise, la consommation et à la réussite par la compétition et le productivisme.

Dans des sociétés dé-moralisées, le projet écologiste apporte du sens grâce à une lecture exigeante des faits, non par acharnement, mais par réalisme bien compris. Il indique les pistes de progrès, sans dogmatisme mais avec fermeté. Il est donc totalement différent d’une démarche politique qui consiste à ne communiquer que ce qui est a priori acceptable par le plus grand nombre.

Quels sont les enjeux ? Et sur quoi placer notre action ?

L’économie mondiale s’est bâtie sur une utilisation effrénée des ressources fossiles, rares par définition. Les limites physiques de ce mode de développement sont en voie d’être atteintes. Les limites écologiques sont quant à elles d’ores et déjà franchies. La filière nucléaire n’est en aucun cas une alternative, eu égard notamment aux problèmes écologiques et politiques majeurs qu’elle entraîne. A moins d’accepter plusieurs décennies de compétition toujours plus meurtrière pour la maîtrise des dernières ressources fossiles, la reconversion vers une économie basée sur le solaire, les autres énergies alternatives et les économies d’énergie est incontournable. Cette action est d’autant plus urgente que les données relatives à l’évolution du climat sont alarmantes. L’attention accordée aux générations futures est une donnée politique majeure, au moment où l’on a tendance à financer tout et n’importe quoi au détriment des équilibres futurs.

L’Ecologie politique est née de la critique de l’idéologie de la croissance « industrialiste » et du déploiement de technologies à haut risque comme le nucléaire. Le phénomène d’irruption de nouvelles technologies dont l’impact direct sur les écosystèmes, la santé humaine, les équilibres planétaires, les libertés individuelles et le fonctionnement démocratique est considérable, ne s’est pas ralenti depuis les années ’60. Aujourd’hui, sans débat et sans évaluation d’impact préalable, les technologies de l’information et de la communication (TIC), les nanotechnologies et les manipulations génétiques appliquées à l’être humain font l’objet de budgets de recherche et développement importants et de premières applications concrètes. Elles sont pourtant lourdes de menaces pour la Société et pour l’Homme lui-même.

Le mouvement écologiste se doit de mettre en débat les enjeux que les nouvelles technologies représentent.

Les produits issus de l’agriculture ne peuvent être réduits à l’état de simples marchandises commercialisables. De même, l’agriculture ne constitue pas seulement une activité économique, étant donné qu’elle a pour fonction essentielle de subvenir à un besoin et un droit fondamental de l’homme, celui de se nourrir. Les dimensions écologique, sociale et culturelle de l’agriculture sont telles qu’une nouvelle vision de la politique agricole s’impose pour la rendre compatible avec l’objectif de durabilité et permettre à chaque peuple de la concevoir et de la maîtriser en fonction de ses besoins spécifiques.

Pour que l’écologie politique dispose du poids qu’elle revendique sur la scène politique, elle a besoin d’un mouvement qui lui donne force et légitimité. Et ce n’est pas chose facile lorsque nous constatons que la désaffection à l’égard du politique s’accroît dans la population ; en se manifestant notamment par la chute du taux de participation électorale, le vote de protestation au bénéfice de formations sans projets ou encore le déclin du militantisme au sein des formations politiques, y compris au sein du parti Ecolo.


La réponse ne peut se limiter à la seule stigmatisation de l’extrême droite et encore moins dans un comportement paternaliste, voire méprisant à l’égard des associations (supposées manquer de réalisme !). Force est de constater que ce qui importe le plus, dans le chef des appareils politiques, c’est non pas d’agir avec une vision d’avenir mais bien de donner l’illusion de l’action. Si on veut changer la politique, il faut aussi changer le politique. Lorsque l’objectif se limite à paraître et à séduire par des pratiques de marketing, la démocratie est pervertie ; elle n’est plus qu’un leurre.

Les partis politiques démocratiques, ou prétendus tels, ont pour devoir de proposer de nouveaux mécanismes de participation aux citoyens et aux associations, et surtout, de renoncer à des pratiques montrant un mépris total pour les citoyens: cumuls de mandats, présentation aux suffrages alors qu’existent des accords préalables pour ne pas siéger, zapping en matière de mandats, dévoiement des collaborateurs ou des fonctionnaires, recours systématique aux experts pour éviter d’assumer la responsabilité d’une décision.

L’avancée de l’Ecologie politique dépend fortement du renforcement du politique et de ses outils. Il faut pour cela des institutions sociales et publiques correctement orientées, fonctionnant clairement dans l’objectif qui leur est assigné.

Il ne suffit pas de se dire de gauche pour en terminer avec la question sociale. La course au bonheur par la possession et l’accumulation de biens expose une frange importante des populations à n’être que spectatrice au Nord comme au Sud. En matière sociale, l’Ecologie politique n’apporte pas un plus comme un nouveau sous-produit de la politique productiviste. Elle entend asseoir une solidarité effective en portant son attention tout autant aux conditions de vie qu’au niveau de vie.

Pour l’Ecologie politique, cette nouvelle solidarité doit viser la réduction de tensions sur trois dimensions intimement liées :

  • Ici et maintenant entre les riches et les pauvres ;
  • Ici et ailleurs entre les populations du Nord et celles du Sud ;
  • Aujourd’hui et demain en tenant compte des générations à venir.

Elle ne peut donc se satisfaire d’une action qui favoriserait l’une au détriment d’une autre. C’est cette grille d’analyse qui doit alimenter le travail politique.

On comprendra dès lors que le message de l’Ecologie politique et les actions qu’elle entend mener ne trouveront une place crédible chez les électeurs que s’ils sont portés dans un mouvement entretenant sans relâche le fond politique qui lui sert d’assise.

Cette exigence est à produire et à disséminer dans une société qui choisit la facilité de la communication au détriment du fond et au mépris de l’intelligence humaine et de la culture. L’abêtissement est devenu comme un produit médiatique de base. Cette tendance se constate dans la propagation de produits culturels en kit et dans une information sous contrôle, qui perd tout sens de l’histoire et tout jugement critique ou impertinent. Dans ce contexte, le rétablissement d’une éducation simplement digne est, sans nul doute, un enjeu de taille.

La protection de la santé des enfants : une priorité. (-Extension votée à l’AG du 09 septembre 2020 -)

Défendre la pertinence d’un projet politique centré sur l’écologie et remettant l’économie à sa juste place, nécessite une remise en cause fondamentale des valeurs qui se sont imposées au cours de ces dernières décennies.

Pointer les désastres écologiques, les pertes massives de biodiversité et les désordres climatiques ne peut suffire à provoquer un changement d’attitude majoritaire parmi les populations soumises au déferlement publicitaire et au discours consumériste dominant.

Par contre, les conséquences hautement dommageables du mode de vie occidental et de l’idéologie technologiste sur la santé des enfants ne laissent indifférents que ceux qui ne voient pas ou ne veulent pas voir une réalité pourtant de plus en plus inquiétante : les enfants sont en première ligne parmi les victimes.

Qu’il s’agisse de pollution chimique, radioactive ou électromagnétique, on sait maintenant, au vu de l’abondante littérature scientifique à ce propos, que les enfants et, plus encore, les enfants à naître sont nettement plus vulnérables à une exposition prolongée ou permanente que les adultes.

Le rapport du Conseil supérieur de la Santé belge de mai 2019 est consacré spécifiquement à cette problématique et émet des recommandations sur lesquelles nous pouvons nous appuyer pour valider des propositions dérangeantes voire iconoclastes.

Quinze ans après la fondation du Grappe, le contexte est propice à une accentuation de l’argumentaire écologiste sur la vulnérabilité des enfants et sur la nécessité d’en faire une priorité incontournable.

Il va de soi que la protection de la santé des enfants concerne tous les enfants, quelle que soit leur localisation géographique.

La mondialisation a brouillé les cartes en ce qui concerne la compréhension de l’impact réel, écologique et social de notre mode de vie sur les régions du monde parfois très lointaines qui sont impliquées dans les processus de production de nos trop nombreux biens de consommation.

Nous ne pouvons rester aveugles face au fait que nombre de nos gestes quotidiens ou de nos objets familiers font des dégâts à la santé des enfants parfois très loin de chez nous. C’est ainsi que la fuite en avant dans le déploiement du numérique s’appuie sur l’extraction de matières premières rares ou peu accessibles où la main-d’œuvre enfantine est largement impliquée. Pire encore, la gestion laxiste des déchets électroniques en Afrique et en Asie met en contact de très nombreux enfants employés à la récupération de métaux réutilisables dans des conditions sanitaires scandaleuses.

Notre responsabilité face à ces situations inacceptables est évidente et exige leur prise en considération concrète dès lors qu’on préconise l’alternative écologiste.

L’écologie ne peut en effet se satisfaire de la perpétuation d’un ordre économique impérialiste et directement ou indirectement raciste.

Dès lors l’éclairage « protection de la santé des enfants » se doit d’être privilégié dans le cadre des activités d’éducation permanente du Grappe.

Il implique un dialogue permanent et idéalement une collaboration avec les associations d’aide à la jeunesse, de la petite enfance et d’éducation à l’environnement.

Pour conclure :

Les enjeux ne manquent pas. Ceux que nous avons évoqués ici nous paraissent prioritaires et déterminent clairement, selon nous, l’espace politique qu’il nous faut investir si l’on souhaite inscrire ce projet dans une ligne identifiable par tous et le porter avec vigueur et fierté sur du moyen voire du long terme.

Dans l’Europe entière, le choix écologiste est jugé primordial par une part non négligeable de la population. Beaucoup d’efforts restent encore à accomplir pour qu’il remplace les pratiques passéistes. Les bases existent. A nous de créer la cohérence à même de les rendre plus accessibles au plus grand nombre de personnes sans les dévoyer.